…Les origines…
L’Alphabet Oublié est-t-il une enquête d’identité ?
L’idée d’origine est en effet de rechercher des traces du passé
et de les agencer entre elles, comme pour une enquête.
D’où le projet de reconstituer un « Alphabet Oublié ».
… Les images sont des mots, les mots sont des images …
Il y a un lien évident entre cette recherche et le langage.
La photographie produit des images qui expriment des choses impossibles à dire avec des mots.
Photographier des lettres de l’alphabet conduit à produire des mots qui sont eux-mêmes des images.
C’est ainsi que l’Alphabet Oublié se propose, notamment, de faire des images qui sont des mots,
et des mots qui sont des images.
… Caractères…
Les lettres sont des caractères, selon le dictionnaire : «marque, signe gravé ou écrit, élément d’une écriture». En les photographiant, on s’aperçoit très vite qu’elles ont du caractère : agréables ou ingrates, rustiques ou élégantes, subtiles ou plus directes.
Ces lettres photographiées dans la rue ont une histoire,
certaines ont parcouru le pays à l’arrière d’un camion,
d’autres vivent dans une arrière-cour, ou encore dans le noir,
éclairées seulement le temps que dure la minuterie.
Elles ont connu des avatars – éraflures ou outrages -,
le temps a dilué leurs couleurs, craquelé leurs matières…
Ainsi, les photographier est un peu comme faire leur portrait.
Certaines se livrent simplement, occupent naturellement l’espace, déroulent leurs courbes et positionnent leurs angles exactement là où il faut. D’autres font de l’obstruction, refusant le cadre dans lequel j’aimerais les faire entrer, biaisant en ne me présentant que leur plus mauvais profil.
… Composition …
Il s’agit cette fois de structurer ces individualités, de les faire vivre ensemble, de leur donner une vie nouvelle. L’Alphabet Oublié est ainsi un outil disponible pour des assemblages visuels, textuels et poétiques.
Pour que ces assemblages fonctionnent, les associations doivent répondre à une sorte de syntaxe, une organisation visuelle. Cette « grammaire visuelle » pousse à aller vers l’abstraction, vers des compositions où le sens du mot devient secondaire, un peu comme un prétexte.
…Mise en forme…
Je poursuis mon approche à travers la forme de mes créations.
Certaines se déroulent, verticales et allongées, sortes de kakemonos.
Parfois un même mot se décline sous des géométries différentes, longues ou carrées.
Elles peuvent devenir totems, muraux ou sur pied.
J’expérimente actuellement la création de mobiles aériens.
Coller mes créations sur les murs serait dans l’avenir une façon de
rendre à la rue les lettres que je lui ai prises…
Philippe Beaunis